un grand amour révolutionnaire

« Aimant l’art et l’idéal, la femme de demain ne voudra ni dominer ni être dominée.»


LOUISE MICHEL

Tout est lié. L’intime, l’éthique et la politique, c’est ce dont je me propose de parler à l’instar de ce que je bricole avec y’a plus qu’à [1], blog et journal mural marginal de littérature sauvage qui se partage aussi sous la forme de papillons, autre nom donné aux tracts de petit format qui se donnent de la main à la main ou qui s’abandonnent dans l’espace public afin qu’une personne curieuse s’en saisisse, leur permettant ainsi de s’envoler.

L’intime est politique car nous sommes faits du même bois. Gamine du Loir-et-Cher venue gagner ma vie à Paris, travailleuse indépendante, j’use de mon temps libre pour faire ce qui me semble utile sans le remettre à plus tard. Quoique je n’apprécie pas plus les étiquettes que les chapelles puisque les autres ne se gênent pas pour le faire pour toi, je me définis comme un animal politique du genre anarco-mystico-révolutionnaire animé par une idée plus grande que moi, rien que ça.

Après ma rencontre avec la philosophie stoïcienne et la prise de conscience qu’il y a des choses en mon pouvoir que je peux réaliser pour prendre part à la vie de la cité, j’ai mis ma créativité et mon esprit logique au service de causes communes, en initiant et en animant plusieurs collectifs informels. L’enjeu était alors de parvenir à maintenir l’équilibre entre une aspiration existentielle – contribuer à rendre le monde meilleur à mon échelle – et la contrainte économique liée aux devoirs que me devais d’honorer vis-à-vis de mes fils : me loger à Paris pour pouvoir assurer leur garde partagée et ainsi veiller sur eux.

Mère célibataire « occupante à titre gratuit » de la résidence fiscale d’un héritier parti s’installer dans son nouvel hôtel particulier déclaré en local commercial (ça ne s’invente pas), après neuf années de renouvellement d’une demande de logement social, c’est en débutant une nouvelle histoire en mode famille recomposée que j’ai pu en obtenir un dans le vingtième arrondissement de Paris. Je découvrirais plus tard que j’étais revenue dans le quartier populaire où avaient vécu une partie de mes aïeules maternelles.

Ayant pris soin de réduire mes besoins en écartant un certain nombre de désirs futiles, je travaillais assez pour gagner ce qu’il fallait. C’est grâce à un équilibre précaire entre le travail rémunéré permettant de couvrir les besoins nécessaires et le temps libéré mis au profit de causes communes, que j’ai pu avoir l’idée et devenir la cheville ouvrière de Plein le dos [2], archive populaire engagée conçue en riposte au discours politico-médiatique insultant à l’égard des « gens qui ne sont rien », et fanzine solidaire. Cette initiative a notamment permis de verser plus de 40 000 euros aux gueules cassées du mouvement des gilets jaunes [3], ainsi qu’à plusieurs caisses de défense collective.

Suite à ça, fatiguée des enjeux d’ego et de pouvoir, ayant finalement compris que les mécanismes de domination critiqués chez les puissants sont aussi à l’œuvre sur le terrain des opposant·es, dépitée de ne plus rien attendre, ni du grand soir, ni de la démocratie électorale, je me suis écartée du terrain des luttes, ne désirant plus m’y investir comme avant. Après des années à écrire des « nous », j’ai commencé y’a plus qu’à, un « je – tu – nous » exutoire pour m’alléger en partageant ma sensibilité, écrit en prétextant l’intime pour aborder des questions politiques avec un angle éthique.

Après de longues années à chercher la paix intérieure dans ce monde obscène, j’avais enfin pu m’apaiser grâce à la philosophie et à l’engagement. Mais si mon couple avait dès le début été compliqué – l’homme était susceptible et colérique – la séquence MeToo, le confinement Covid ajoutés à la lecture de bell hooks [4] n’avaient rien arrangé. Cependant, candide, je me disais qu’à force d’une vie ensemble, on finirait par y arriver.

À vrai dire, je ne pensais pas avoir les moyens d’être émancipée du salariat et du couple, en tant que modèles sociaux, pour me loger à Paris. Ainsi, je théorisais l’amour, ce que les contraintes peuvent produire, puisque qu’il faut bien chercher le bonheur quand les choix sont contraints et de nombreux choix le sont – pour ne pas dire qu’ils le sont tous -, consciente des histoires qu’on se raconte à soi-même pour que ça tienne.

Mes enfants et le sien devenus adolescents, l’histoire a tenu jusqu’à l’été, où lors d’un échange banal, mon abnégation a vu ses limites atteintes. Puisqu’il était insatisfait mais qu’il ne faisait rien pour que ça change, ça ne pouvait plus durer. Trop bon·ne trop con·ne, c’est un trait de caractère dont on peine à se soigner, et puis c’est compliqué de savoir où on en est quand on s’est parée d’une armure de guerrière pour protéger la petite chose sensible en soi. Cette fois c’en était assez, il n’avait qu’à aller voir ailleurs si l’amour était meilleur.

Quand on a beaucoup douté, le jour où la solution s’affirme comme une conviction, on tient position. Acceptant mon raisonnement et sa conclusion, il a fait ses cartons. Dès lors je ne me pensais pas célibataire mais « libre d’aimer qui je veux aimer, comme j’ai envie d’aimer », dans les limites conséquentes de l’exercice : l’amour doit faire du bien, seulement du bien. Viser ce genre d’idéal implique une grande vigilance dans le choix de ses partenaires pas nécessairement aussi libres que soi, quoi qu’ils en disent par ailleurs.

Aussi, il me semblait largement préférable d’enterrer l’idée d’un grand amour : je veux parler de la possibilité que quelqu’un existât qui partagerait ma sensibilité, qui me plairait et me donnerait envie de l’aimer humainement, intellectuellement et érotiquement. Tant pis pour le grand amour, « l’amour de ma vie » que je n’aurais pas la joie de vivre, autant faire le deuil de l’idée.

Je théorisais en conséquence : « Je suis une bombe d’amour, cette énergie me tend vers les autres, je suis un bien commun de l’humanité et nul ne devrait être autorisé à me privatiser au profit de son seul bien. » Refusant d’avoir à minauder pour séduire, je voulais être aimée telle que je suis, pour ce que je suis, sans artifices ni faux semblants. Enfin, je décrétais qu’aucun homme ne poserait les mains sur moi s’il ne savait être tendre, ce qui limiterait drastiquement les candidats potentiels.

La réalité s’avérant souvent décevante, autant vivre dans ses fantasmes. La vie m’avait déjà gâtée, j’étais une femme libre, mère de deux adolescents auxquels je n’avais pas épargné ma lecture du monde, j’avais confiance en moi et cessé d’être torturée, j’étais fière des projets réalisés dans les luttes, de Plein le dos notamment et de la parole qui m’était offerte pour en parler. Je ne m’en tirais pas si mal étant donné les chemins de traverse empruntés.

Reste que, travailleuse indépendante sortie du terrain des luttes où j’avais construit ma sociabilité les dix années passées, solidaire quoique de plus en plus solitaire, je me retrouvais isolée : je devais me créer une communauté composées de gentil.les sensibles émancipé·es, ou à tout le moins, de curieux et de curieuses éveillé·es. Pour ce faire, j’avais plusieurs atouts. Un logement confortable dont je décidais désormais des règles seule, et une personnalité liminaire se tenant à la frontière de plusieurs mondes.

Le temps passe vite et il est des personnes croisées, qu’intuitivement on a reconnues comme des frères et sœurs d’humanité, sans prendre le temps de mieux les rencontrer. Dans la société capitaliste où l’individualisme domine et où sont nombreux ceux qui confondent être et paraître en croyant trouver leur bonheur avec la consommation et l’accumulation de biens inutiles, nous réunir pour rien, sinon pour le plaisir, ne ferait de mal à personne.

J’initiais alors un cycle de soirées bimensuelles dont les sujets de discussion s’improviseraient en fonction des présent.es. L’idée était de combler ma solitude existentielle et, parce que j’aime l’éducation populaire façon Paolo Freire, de faire se croiser des origines et des trajectoires tendues vers de grands idéaux, en plus de passer un bon moment. Parmi mes convives, il en est un en particulier que j’avais à cœur de recevoir, pressentant qu’il ne pourrait qu’apprécier de rencontrer d’autres personnes comme lui, éprises de justice.

« Personne ne sait tout, ni personne n’ignore tout, personne n’éduque personne, personne n’éduque seul, les hommes s’éduquent entre eux par la médiation du monde.»

PAOLO FREIRE

Un petit retour en arrière s’impose ici. Durant le mouvement des gilets jaunes, alors que le préfet Lallement assumait de choisir son camp contre les gilets jaunes, un homme s’était illustré par un acte, héroïque pour les dominé·es, séditieux pour les dominant·es, le jugement étant intimement lié au point de vue adopté. Pour ma part, si j’avais été touchée par la scène diffusée en boucle sur les chaines d’information en continu, ça n’était rien face à la vidéo qu’il avait publiée sur Facebook avant de se rendre à la police.

Dans ce message qu’il adressait après une nuit d’insomnie, sa manifeste gêne verbale mise en regard de l’aisance physique dont nous avions été témoins, démultipliait la puissance de ses mots : les sensibles ne pouvaient qu’être ému·es, alors que le sociopathe de président n’avait pas raté l’occasion d’affirmer ses préjugés : d’après lui, le boxeur n’avait pas les mots d’un gitan, ce en quoi il se trompait radicalement.

Quand il a pu venir au moulin, ce grand gars que la vie n’avait pas épargné se tenait face à moi debout mais abattu, dos courbé et regard triste, il se livrait en confiance. Il attendait la sentence et avait arrêté de compter combien il devait payer. Depuis cinq ans ça ne s’arrêtait pas, il avait tout perdu.

Je dois ici avouer que lors de nos quelques rencontres les cinq années passées, j’avais chaque fois éprouvé le désir de le prendre dans mes bras pour le réconforter, façon Amma, prêtresse indienne chaste du câlin qui fait du bien. Mais l’opportunité ne s’était jamais présentée, ce genre de tension étant difficile à exprimer sans prêter à confusion. Lui comme moi étions engagés dans des histoires et ça ne se fait pas de proposer un câlin comme ça quand on n’est pas Amma.

Hors, ce soir-là, outre les discussions politiques, il m’avait confié être séparé. Ainsi à la nuit tombée, quand l’amie que j’hébergeais demanda si nous partagerions mon lit, j’ai regardé le héros qu’il était prévu que je loge aussi, et lui ai dit : « Tu choisis. Plan A, tu dors dans la chambre de mon fils et mon amie dort avec moi. Plan B, tu viens avec moi parce que j’ai envie de te prendre dans mes bras pour te faire des câlins et ça tombe bien, il me semble que tu en as besoin. » La mystique en moi pensait : « Toi le grand justicier acculé, je vais t’irradier avec la chaleur de ma flamme intérieure. »

Mon nouvel « état matrimonial » m’avait donné l’audace d’oser. L’occasion était trop belle et la vie m’a appris qu’il faut savoir saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent, au risque d’avoir trop de regrets. Par ailleurs, si j’ai bien une tendance Amma, je suis aussi une femme passionnée et désirante, pas une nonne. Pour autant, étant donné qu’il n’y avait pas eu de phase de séduction avec les minaudages habituellement d’usage mais une rencontre sensible et des échanges sincères, la suite s’est faite toute en délicatesse.

Le lendemain matin, émue, j’avouais ne pas me souvenir qu’une telle tendresse fut possible, ce à quoi il répondit le plus simplement du monde et sans circonvolutions inutiles, que j’en avais donné le la. Je l’ai compris a posteriori : parce qu’intuitivement je savais pouvoir lui donner ma confiance et ne rien avoir à craindre de lui, j’ai pu me donner à voir telle quelle, sans armure. En lui donnant la tendresse que j’estimais bonne pour lui, j’ai reçu en retour celle qui me manquait.

Ultras délicats par crainte de gestes ou de paroles maladroites, semaine après semaine nous nous sommes apprivoisés, devenant l’un comme l’autre des junkies de la tendresse, défoncés et radicalement accros à l’ocytocine. Abordant tous les sujets sans jugement ni tabou, je le faisais répéter lorsqu’à l’aise il commençait à parler gitan en avalant les consonnes, quand lui m’écoutant disserter me dit une fois que je m’exprimais « comme une politicienne. »

« La philosophie bien comprise possède en son sommet une dimension mystique, c’est-à-dire une expérience directe de l’absolu. Au terme de la spéculation, nous dit-il, il convient de quitter les livres. Il ne s’agit plus seulement de savoir, il faut voir ce que l’on sait, en faire l’intuition, le goûter

JEAN-BAPTISTE BRENET

J’ai pu partager l’intuition qui m’avait tendue vers lui et expliquer les fondements de mon mysticisme : Socrate et la philosophie comme amour de la sagesse, les préjugés comme pré-connaissance et la quête de connaissance pour s’émanciper, les idées pures de Platon telle la Justice que chaque enfant connait intuitivement, la vie comme une épreuve pour polir son âme avec Avicenne, l’action sous la conduite de la raison et la maitrise de ses passions avec les Stoïciens, l’auto-exhortation de Marc-Aurèle, les affects et la joie de Spinoza, l’alchimie qui permet de convertir les passions tristes en création, Philosophie comme dernière confidente avec Boèce [5], la spiritualité naturelle pour les éveillés versus l’école religieuse avec Ibn Tufayl [6], etc.

J’ai parlé de la notion de courage, souvent utilisée pour qualifier le geste qui l’a fait, plus que héros devenir symbole de l’autodéfense populaire malgré lui, pour dire la distinction entre lâcheté, courage et témérité (Aristote). En effet, agir de façon spontanée, donc inconsciente, ne demande pas de courage, car il n’aurait sûrement pas mobilisé son art et levé les poings s’il avait imaginé les conséquences sur sa vie. Cela dit de courage, par ailleurs, il ne manque pas.

Partant de Socrate et de la maxime « Je ne sais qu’une chose c’est que je ne sais rien » avec laquelle j’ai éduqué mes enfants, j’ai expliqué la philosophie, non pas comme un ensemble de savoirs mobilisables pour épater la galerie, mais comme un guide offrant des principes avec lesquels apprendre à Etre. Consciente du besoin de croyance conduisant certaines personnes à défendre des théories douteuses sans jamais avoir appris à vérifier leurs sources, j’ai expliqué la différence entre croire et savoir. Il sait désormais que la philosophie guide ma façon de penser, d’agir, de converser, que l’on a la vie devant soi pour continuer de devenir ce que l’on est.

Il aurait été parfaitement inconséquent d’ajouter des problèmes à ceux qu’il avait déjà – il n’en manque pas et ils sont loin d’être résolus -, l’idée était simplement de profiter du temps présent en nous faisant du bien. Aussi, il n’était pas question de débuter une histoire amoureuse, car si je percevais en lui un frère d’humanité, une âme sœur en plus d’un homme désirable, j’estimais qu’il n’était certainement pas un homme pour moi, et moi pas une femme pour lui. Une autodidacte émancipée avec un gitan tout juste éveillé, ça ne pouvait pas marcher. C’était punk sur le papier, mais qu’aurions-nous à partager ? J’étais alors persuadée de connaitre la réponse et de ne rien risquer. La suite m’a radicalement échappé, je n’ai pas compris ce qui m’arrivait.

Qu’est qui te rend héroïque ? – S’avancer simultanément vers sa plus haute souffrance et sa plus grande espérance.

FRIEDRICH NIETZSCHE

J’ai vite dû me rendre à l’évidence : ces qualités que je n’avais jusqu’alors pas eu l’occasion de rencontrer rassemblées en une seule personne le rendent unique à mes yeux : sensible, tendre et empathique, un homme facile à contenter, solidaire, humble, gentil, curieux, tendre et attentionné. Et super sexy avec sa bouille de gitan boxeur repris de justice qui se transforme en visage d’ange ou de moine bouddhiste lorsqu’il est détendu, ce qui n’a rien d’étonnant étant donné les origines indiennes des populations Roms et tziganes [7].

Moi qui pensais contrôler la situation, j’ai été surprise de me voir débordée par des torrents de larmes, tant de la joie de le connaître que de la peine due à la crainte de le perdre. Dans le même temps et puisque qu’intime et politique sont liés, j’initiais le comité de soutien avec l’écriture du billet « dilemme de justice » et je commençais sa diffusion sur les réseaux sociaux et sous la forme de papillons gracieusement imprimés par des camarades dont l’organisation collective dispose d’un copieur.

Car quel que soit le statut et le devenir de ce début de relation qui ne cherchait pas à se définir, sinon en posant la limite de « on est là pour se faire du bien et rien que ça », il n’était décemment pas possible d’abandonner l’homme détenteur d’un tel capital symbolique et dont la justice est la colonne vertébrale, seul face à ses galères avec l’Etat : fiché S, dettes de justice et d’avocats, pourchassé par les huissiers, sans parler des conséquences sur sa vie personnelle.

J’avais conscience de me donner entièrement à une cause commune pour la première fois. Mais avec l’esprit étroit de mes contemporains qui ne manqueraient pas de juger, je ne pouvais pas faire campagne pour l’aider et apparaître publiquement comme sa compagne. Mieux valait nous laisser le temps de profiter de l’histoire à l’abri des ragots et des regards indiscrets, et que cela ne nuise pas à l’initiative lancée avec y’a plus qu’à.

C’est ainsi que je suis devenue la gonzesse, la nana, la nénette du héros de l’autodéfense populaire, heureuse de pouvoir raconter cela maintenant. Si nous exprimons nos espoirs et nos désirs, nous avons passé l’âge de nous faire de fausses promesses, de celles qui ne nous ont conduit l’un comme l’autre qu’à des désillusions, nous en tenant à vivre ce que nous avons à vivre en prenant soin l’un de l’autre. L’amour comme la politique s’éprouvent au temps long, il ne sert rien de forcer le destin, ce qui arrive arrive, ce qui ne doit pas ne se produit pas. L’histoire est jolie mais ne règle pas ses problèmes.

Car il s’agit pour lui de se déterminer face à l’état de faits. Un choix cornélien lui revient : dans un cas, s’en tenir à la Loi, accepter de rembourser les dettes indues en s’épuisant au travail comme un forçat, quitte à passer à côté du reste de sa vie et à voir tout le fruit de ses efforts prélevé, sans qu’il ne lui reste rien pour vivre et se loger. Dans l’autre cas, ne plus rien posséder, bricoler, être hébergé par celles et ceux qui voudront bien l’aider. C’est peut-être à cet endroit que se cache sa liberté.

De mon côté, je m’applique à ne pas laisser la gamine en moi gâcher la relation avec ses angoisses et sa trouille pour éviter de pratiquer l’auto-sabotage. La garce revient régulièrement, j’apprends à la tenir en garde. La philosophie m’a appris que la paix intérieure prend peu de risques d’être troublée quand on a rien à perdre, et que c’est au contraire quand on possède une chose précieuse que l’on est inquiet. Il me faut m’en tenir à ce qu’on a dit, viser l’idéal et accepter ce que le réel produira. Me rappeler que rien de sert d’avoir peur, qu’il ne nous reste qu’à vivre ce que nous avons à vivre au présent, qu’il s’agisse d’un passage ou du début de quelque chose de grand.

Il a dit : « Je suis en train de devenir un homme nouveau avec toi, un homme que je ne connaissais pas. » Je le désire libre, consciente du fait que si il est acculé et qu’il a perdu tout ce qu’il possédait de biens matériels et de stabilité, il n’a jamais été aussi libre que maintenant et qu’il pourrait bien l’être plus encore demain. Je me vois grandir avec lui et sans spéculer outre mesure, il me semble que la jonction de son monde et du mien pourra produire de belles choses.

Je tenais à partager cette histoire pour montrer où peuvent conduire la poursuite de ses idéaux et l’écoute de son intuition, car je me trouve finalement en parfaite adéquation avec ce que j’écris sur y’a plus qu’à. La solitude est nécessairement moins pesante depuis qu’il est dans ma vie, et quoi qu’il soit pour le moment compliqué de nous voir à cause des vies passées et des devoirs à tenir, il est présent dans chacune de mes pensées.

Enfin, je me réjouis d’avoir la chance de vivre cette histoire d’amour révolutionnaire qui ne manque pas de me placer face à certaines de mes contradictions. Pour autant, je sais que l’un comme l’autre nous nous tiendrons toujours, loin des opportunistes, du côté des dominé·es. ll ne me reste ainsi qu’à lâcher prise, à être la femme indépendante qui apprécie sa propre compagnie, à faire ce que je peux et de mon mieux, et à avancer confiante. Y’a plus qu’à tenir le cap et continuer de lutter pour un monde meilleur avec moins de haine et plus d’amour à l’intérieur.

Louise Moulin

[1] yaplusqua.org
[2]Plein le dos, la rue contre le mépris
[3] Les mutilée.s pour l’exemple
[4] La volonté de changer, les hommes, la masculinité et l’amour, bell hooks, Editions Divergences
[5] La consolation de Philosophie, Boèce, Payot et Rivages
[6] Le philosophe sans maître, IbnTufayl, Payot et Rivages
[7] Roms et Tsiganes, Jean-Pierre Liégeois, La Découverte, collection Repères (2009)

11 Replies to “un grand amour révolutionnaire”

  1. Bonjour Louise
    Je viens de lire ton article ,je ne sais que dire sinon que tu es une sacré belle personne.
    Je te dédis cette citation de Camille Claudel
    « Où personne n’a été j’irai et où on m’interdira d’aller j’irai quand même. »
    Je vous embrasse toi ,Christophe et tes proches
    A bientôt
    Jean-Michel

    1. Merci Laure et bisou. PS :Tu étais présente le premier soir parmi mes camarades aux origines et trajectoires diverses 😉

      1. Un parrainage invisible 😉, des témoins inconscients…ahahah…la magie de l instant ! A samedi !

  2. Bonjour Louise
    J’avais déjà lu « maman » qui m’avait particulièrement émue,je viens de finir « un grand amour révolutionnaire. »
    C’est une belle ode à l’amour de la vie et à l’intelligence,dans une période où seul la haine et la bêtise sont rendues visibles.Et bien tu sait quoi ?tu me faits du bien .
    Les gilets jaunes nous avaient rendues confiance en l’humanité,avec eux
    nous avons ouvert des portes qui ne peuvent plus se refermer.
    Je vous embrasse
    A bientôt
    Chantal

    1. Merci Chantal pour ce commentaire qui donne du sens à ce blog. Je vous embrasse aussi et je m’occupe de vous expédier bientôt le livre demandé.

      1. C’est une belle histoire raconté avec tellementde délicatesse (et tellement bienécrit) . Tenez le Cap l’amour, la lutte , c’est l’espoir c’est la vie
        Amitiés
        Clo

  3. Bonjour Louise et Christophe !
    Je me réjouis pour vous 2 ;
    J’ai pû te croiser en manif mais je ne t’ai vraiment vue qu’une seule fois c’était à Besançon. Nous n’avons eu que peu d’occasions d’échanger mais j’ai perçu une belle personne . Me suis pas trompée !
    Quant a Christophe c’est bien ce que j’ai vu quand je l’ai rencontré a Tourcoing; un être sensible, tendre et empathique, un homme solidaire, humble, gentil et attentionné.
    Force et courage à tous les 2 contre l’adversité. Vous serre dans mes p’tits bras de Amma. 😜.Amicalement Joëlle

  4. Ouhaou j’ai eu envie de lire jusqu’au bout sans en perdre une goutte. Qu’elle belle histoire longue vie à la lutte qui sera encore plus forte j’y crois encore et à vous

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