Dessin mural @lea_lydie_l, vu dans à Paris, 75020, avec l’accord de l’artiste

« … mais les braves gens n’aiment pas que,
l’on suive une autre route qu’eux »

Georges Brassens

Quand j’ai commencé à m’émanciper juste après m’être séparée du père de mes enfants, il m’a été difficile de dire ce que je pensais aux personnes que je fréquentais alors. On m’invitait en soirée, parce que j’étais sympa – et célibataire -, mais on manquait rarement de me reprocher d’exprimer un avis critique sur pas mal de sujets. Quoique depuis j’ai appris à me taire, il arrive que ce reproche me soit encore fait : tout dépend des règles implicites du cercle auquel je me trouve conviée. Même celui qui s’affirme plus affranchi que les autres, n’est, le plus souvent, pas le plus apte à remettre en question ce qu’il tient pour certitude.

M’engageant sur les terrains des luttes, je me suis progressivement entourée de nouvelles personnes, ne conservant de mon passé que celles et ceux qui, s’abstenant de me juger, me témoignaient leur soutien. J’ai mis un terme à ma fréquentation de défenseurs de l’ordre bourgeois, ne comprenant que trop bien combien la protection de leurs intérêts les positionnait en ennemis de ma classe. Car une fois compris qu’on est habité par une vision du monde opposée aux idées dominantes, on éprouve le besoin de s’entourer de semblables, puis par le désir d’agir en conséquence.

Avec un statut de travailleuse indépendante éloignée des structures syndicales d’action collective, deux terrains d’action se sont offerts à moi : la rue et son miroir 2.0. En effet, ne comptant pas sur les médias chiens de garde pour en faire l’écho, les actions menées dans la rue constituent le matériau à partager via les réseaux sociaux. Il y a de multiples façons de passer à l’acte, certaines plus faciles que d’autres, l’essentiel consistant, selon moi, à ne jamais cesser de faire passer les idées émancipatrices en affirmant les alternatives possibles.

Tu peux rejoindre un collectif ou une organisation existante, tu peux aussi simplement t’armer d’une craie pour inscrire des messages sur les murs : la pratique est sans risque. Tu peux aussi commander un lot d’autocollants sur le site du collectif The chomeuse go on [1] et les coller là où ça te plaît. Si tu es poète, artiste, ou qu’un jour, inspiré, tu as une idée, tu peux afficher ton appel, ton texte ou ton œuvre dans la rue, comme le font déjà certains d’entre nous, c’est une pratique hors la loi, mais ça n’est pas comme si il y avait de la place pour tout le monde, là où les idées sont autorisées à s’exprimer.

Faire collectif est puissant mais ça n’est pas simple quand tu vises l’horizontalité, car il faut faire avec les sensibilités et les egos de chacun, qui ne partage pas ton éthique, j’écrirai plus tard à ce sujet. Tu peux déjà lire cet entretien [2] de Charles Piaget qui a été un acteur principal de la lutte des Lip. Tu verras qu’il suffit qu’un plus déterminé se lance, pour que d’autres osent avec lui. C’est parce qu’il me semble important de parler de ces questions que mon investissement de terrain s’est transformé en « y’a plus qu’à », billets qui se lisent ici, qui sont collés dans la rue, et qui se glissent dans les interstices accueillants de la ville : si tu penses que cela a du sens, aide-moi à libérer les papillons !

 

[1] thechomeusegoon.wordpress.com
[2] La force du collectif, entretien avec Charles Piaget. Réseau citoyens résistants, Libertalia