Enfants des années quatre-vingt, notre génération a vu naître internet et apparaître les smartphones il y a une dizaine d’années, pour le meilleur et pour le pire c’est le moins que l’on puisse dire. Les réseaux sociaux nous ont permis à la fois de nourrir nos egos blessés en nous offrant de construire l’image que nous voulions donner de nous-mêmes quitte à nourrir Big Brother, et à communiquer, à nous rencontrer et à organiser nos luttes. À cet effet je me suis largement servie de Facebook notamment, tout en comprenant qu’il était judicieux de ne pas chercher à avoir un trop grand nombre de faux « amis » : pour compléter cette pensée tu peux lire le billet s’exposer.
Ces dernières années je me suis vue me lever, prendre mon café avec, consulter compulsivement les notifications jusque dans les toilettes, me retenir tant bien que mal dans les transports en commun ainsi qu’à de nombreux autres instants de ma vie quotidienne, et quoique j’ai désactivé toutes les notifications pour que le smartphone me laisse libre de choisir mes usages, cette stratégie s’est avérée largement insuffisante : consciente de mon addiction, je préférais ne pas trop me poser de questions.
En effet, de la même façon que lorsqu’une boulette de shit traîne à la maison et que je ne sais pas ne pas la fumer, je suis incapable de me raisonner avec l’usage de cet outil diaboliquement aliénant. Cela jusqu’à ce que, récemment, des douleurs permanentes dans les bras et les mains me conduisent enfin à consulter. Un scanner a révélé une discopathie cervicale : tant pis pour moi, c’est trop tard, rien ne pourra la corriger. En faisant des recherches, j’ai lu que mon mal était probablement lié à l’usage du smartphone. Ainsi, c’est mon corps qui me contraint a réagir.
J’ai d’abord envisagé d’exploser cet objet coûteux à coups de marteau pour revenir à un téléphone classique en me rappelant mes camarades qui n’en ont jamais voulu. Puis, réalisant combien il me serait difficile de m’en passer désormais, je me suis résolue à supprimer les applications des réseaux sociaux pour les déplacer sur mon ordinateur. Solution efficace qui stoppe de fait la possibilité de consulter compulsivement en tous lieux et tous moments au cas où je raterais un truc hyper important… Cause impliquant conséquence, les douleurs disparaissent doucement.
Il y a peu dans le métro, une petite âgée d’à peine trois ans cherchait l’attention des personnes qui l’entouraient, mais tous, sa mère y compris, étaient absorbés par l’écran de leurs smartphones. Juste à côté, une jeune femme appliquée au même objet se détendait les mains, l’une après l’autre. Si elle n’avait pas porté de casque, je lui aurais adressé la parole pour lui parler de ça. Quand on lève les yeux dans les transports, c’est flippant n’est-ce pas ? Mais quand je regarde autour de moi, quand je croise ton regard et que tu m’offres un sourire gratuit que je peux te rendre en retour, ça change la couleur de ma journée. On fait quoi maintenant avec ça ?