Un beau vêtement impressionne les impressionnables, beaucoup font les hommes-sandwichs pour des entreprises capitalistes dénuées d’éthique. À l’école, un enfant peut contribuer à la propagande, mais on lui demandera par exemple de ne pas porter de vêtement affichant le visage de Che Guevara. Dans le même temps, les élites s’appliquent au no logo, car « la beauté d’aéroport c’est tellement vulgaire ». Les marques provoquent des désirs que le capitalisme nous fait passer pour essentiels, et c’est parce qu’ils nous méprisent, qu’ils peuvent s’enrichir sur notre dos, en nous faisant acheter des produits qu’ils ne voudraient pas pour eux-mêmes ou pour leurs enfants. Elle est pas belle la vie ?
Le petit bourgeois s’habille souvent en friperie. Il sait qu’on y trouve à petit prix des vêtements de meilleure qualité que ce qui s’écoule aujourd’hui sur le marché, et qu’au besoin, il fera travailler le tailleur pour ajuster. Dans le même temps, celui qui a manqué, qui a connu le mépris et la honte de ne pas être habillé comme les autres, se refuse aux habits de seconde main, alors même que nous devrions consommer mieux et moins. Est-ce à dire que ceux qui souffrent le plus de l’exploitation capitaliste en sont les meilleurs porte-drapeaux ? Il faudra leur dire.
L’effet de halo est la première impression que nous avons de quelqu’un. Si je me présente sapée avec des codes différents des tiens, dans le meilleur des cas tu ne m’accorderas aucune attention. Je possède pourtant une chose invisible pour les yeux qui me conduit à me moquer de ce que ton regard te dit de moi, à ne pas me soucier de tes préjugés à mon égard. L’éthique est une chose qui ne s’achète pas, une de ces choses qui n’a pas de prix. C’est mon bien le plus précieux qui produit des effets estimables.
Dans l’idéal, on ne porterait pas de jugement sur l’autre d’après sa beauté, son statut social, son allure, la couleur de sa peau, sa façon de s’exprimer, son accent, etc. Nous agissons à l’inverse de cet idéal, inutile de lister les phobies qui en découlent. On a beau savoir que l’habit ne fait pas le moine, que la qualification ne fait pas l’esprit logique, que le statut ne fait pas la sincérité, que l’état dentaire ne fait pas l’intégrité, naturellement nous mésestimons, ou au contraire, surestimons l’autre, d’après son apparence et la perception que nous en avons.
Nous sommes pétris de préjugés, responsables de nos jugements hâtifs, de nos raccourcis grossiers, de notre mépris. Dans ce monde où la domination est partout, nous sommes nous-mêmes affectés par ce mal contre lequel nous luttons. De même qu’un bon parfum masque l’odeur naturelle d’un corps et peut induire en erreur dans le choix d’un.e partenaire – question d’alchimie –, méfie-toi de tes jugements hâtifs. Garde-toi de méjuger l’autre sur son apparence, qu’elle t’impressionne ou te semble méprisable. Admirer ou mépriser sont des sentiments naturels, mais quand ils s’éveillent en toi, tu te vois être et à ce moment-là, il est possible d’ajuster ton regard. Il faudrait voir à ne pas placer nos espoirs de justice dans des méprisants qui s’ignorent.
Toi qui combat un « isme », mais qui ne t’es pas gênée pour t’illustrer de façon crasse face à mon amie qui n’avait pas tes codes, garde ça en tête, ça t’évitera une autre fois de passer pour une méprisante, et puisqu’il faut le dire, j’assume d’endosser ce rôle ingrat. Le capitalisme nous épuise, nous méprise, nous domine, nous influence, nous rend malheureux, bêtes et méchants. Nous sommes cons mais pas condamnés à le rester. Paraître n’est pas Être. La révolution passera par l’Être ou ne passera pas.